Désolée, on me l'a fait tellement de fois cette réflexion que je me suis sentie obligée de la glisser pour débuter cette petite page informative.
Désolée pour les amoureux du Groënland, du Spitzberg ou de ces flots glacés du nord, tablier mobile portant la banquise arctique. Cette fois-ci, c'est vers le "Grand Sud" que les vents vont me porter.
Un peu d'histoire
A l'origine, entre Madagascar au Nord, l'Afrique à l'Ouest, l'Australie à l'Est et l'immense continent Antarctique au Sud -encore méconnu à l'époque - il n'y avait qu'un vaste océan vierge. Un territoire à deux visages, luxuriant au nord, froid et inhospitalier au sud : l'océan indien. Et en son milieu le bandeau mythique pour tous les navigateurs, ces flots tumultueux pris en étau entre les fameux 40ème rugissants et les 50ème hurlants.
L'histoire des milieux extrêmes a été façonnée par des êtres d'exception tels que Marco Polo, Vasco de Gama, Magellan, James Cook ou encore Amudsen. C'est grâce à ces dizaines de générations d'explorateurs que les vides des cartes ont peu à peu laissés place à des noms de lieux insolites et exceptionnels.
Yves Joseph de Kerguelen de Tremarec fait partie des ces hommes.
Yves François de Kerguelen de Tremarec
1734 - 1797
Ce finistérien né en 1734 est missionné par le roi de France en 1771 pour aller découvrir (à bord du Gros Ventre et de la Fortune) et prendre possession - au nom de la France - du vaste continent austral qui fait rêver tous les scientifiques et hommes de pouvoir de l'époque. Un continent que l'on dit d'abondance et de fertilité, le paradis perdu, fameux Eden d'où auraient été chassés les premiers hommes.
Mais le 12 février 1772, c'est une toute autre réalité qui accable Kerguelen : ses yeux se posent pour la première fois sur ce qu'il nommera lui-même les "îles de la Désolation". Un archipel d'îlots volcaniques flirtant avec le 48ème parallèle et continuellement battu par les vents et la pluie. Une terre stérile, sans arbre, sans vie. Bien loin de cette terre immense qui devait faire la fortune du royaume de France.
Gravure du Gros Ventre
Collection de timbre des TAAF
Malheureusement cette découverte pourtant exceptionnelle (qui sera renouvelée par James Cook 4 ans plus tard - ou plutôt "trop tard" du point de vue des anglo-saxons) n'apportera que disgrâce et malheur à son grand découvreur - malgré tout récompensé à titre posthume en donnant son nom à ce territoire devenu petit bout de France perdu à plus de 12 500 km de sa capitale.
Bien que définitivement reléguée au rang d'un des territoires les plus inhospitaliers pour l'homme, la richesse incontestée de l'archipel sera rapidement évaluée puis convoitée : sa faune. Eléphants de mer, phoques, baleines. Les campagnes de chasse vont se succéder pour piller les ressources de graisse animale alors très largement utilisée pour l'éclairage.
Et avec elles sont lot de naufrages, dont l'un des plus célèbres est très probablement celui du jeune marin britannique John Nunn qui, échoué sur l'archipel avec quelques compagnons en 1825, a survécu 43 mois en autonomie totale. Sa célébrité vient du fait que ce matelot de 22 ans a écrit (à l'aide de fiante d'albatros) un magnifique récit de leur survie et détaillant précisément leurs conditions de vie, agrémentés d'une foule de dessins. Un petit bijou que je vous recommande chaudement ! (http://www.amapof.com/bibliographie/librairie/pubamap.html)
Naufragés assommant les manchots
Ils se nourrissaient principalement de leurs oeufs, bien meilleurs que leur chair au fort goût de poisson (pas frais)
En 1893, l'aviso l'Eure prend officiellement possession de Kerguelen au nom de la France et le gouvernement concède aux frères Bossière l'exploitation des ressources de l'archipel. La concession leur est donnée pour cinquante ans. Les deux frères construisent la première et unique station baleinière Port Jeanne D'Arc, et débute une série de vingt années de massacre acharné des espèces qui font la seule richesse de ces îles. Tout cela au nom de l'éclairage publique des villes européennes, à l'époque même où Jack l'Eventreur faisait trembler les rues brumeuses de Londres.
Gravure de Port-Jeanne-D'Arc à l'époque des campagne Bossière
Jamais à cours de projets, les deux frères vont tenter également l'implantation d'un élevage de saumon à Kerguelen et d'une conserverie de langouste à St Paul plus au nord.
Après plusieurs drames humains et devant le manque de rentabilité, la société familiale va faire faillite et l'usine bruissante de Port-Jeanne-D'Arc va tomber dans l'oubli. Les éléphants de mer ont enfin repris possession de leur territoire, et ces ruines rouillées sont les derniers témoins de ce passé "capitaliste" de l'archipel.
Port-Jeanne-D'Arc de nos jours
Un peu de géographie
D'une superficie d'à peu près 7200 km carrés - soit l'équivalent de la corse - l'archipel est constitué d'une grande île centrale et de 300 ilôts secondaires. Leurs côtes déchiquetées dessinent une multitude de baies et de fjords.
Si vous prenez le temps de vous baladez sur la carte, vous découvrirez que la plupart des noms sont pour ainsi dire... familiers. Il semblerait que l'on manque de plus en plus d'imagination :-) : golfe du Morbihan, lac de Chamonix, Baie d'Audierne, etc... (on sent que des bretons sont passés par là)
La Grande Terre représente à elle seule 6600 km carrés, pour 150 km d'E en O et 120km du N au S. Son point culminant est le volcan du Mont Ross, avec 1850m d'altitude.
Un calotte glaciaire (1050m) recouvre 550km carrés au sud ouest, d'où s'écoule une vingtaine de glaciers.
Calotte Cook Glacier Ampère
Les Territoires sub-antarctiques (Crozet, Kerguelen, Saint Paul et Amesterdam)
et antarctique (base Dumont D'Urville en Terre Adélie) français
L'île d'Amesterdam - 5 km carrés !
Manchotière à Crozet (l'archipel est composé de cinq îles, la base Alfred Faure étant située sur l'île de la possession, à l'est)
Le cratère de Saint Paul
(vivier naturel à Langoustes)
Uniquement accessibles par la mer (pas de piste d'aterrissage, distance trop importante pour un hélicoptère, et le téléporteur n'a pas encore été inventé) ces trois archipels sont ravitaillés en personnel et matériels par le Marion-Dufresne, navire d'exploration océanographique que le monde entier nous envie (sans chauvinisme mal placé), qui est à la fois paquebot, cargo, porte-hélicoptère, pétrolier et enfin, navire de recherche.
Le Marion Dufresne 2
Cette manoeuvre colossale est effectuée quatre fois par an, au cours d'une rotation qui dure un mois (le navire rejoint Crozet, Kerguelen puis Saint Paul - cratère volcanique désormais interdit à la descente - et enfin Amsterdam).
Le Marion en escale à Crozet
Et voilà, en quelques mots et photos mon très futur terrain de jeu.
Prochain épisode :
"Visite guidée de Port-Aux-Français" (capitale officielle d'une île inhabitée)
et
"Nos voisins les manchots"
Passe un bon voyage Véro!! Je te préviens, je vais checker ton blog tous les quart d'heure jusqu'au prochain post confirmant ton arrivée sur la terre ferme...
RépondreSupprimerGros gros bisous :)
Superbe :-)
RépondreSupprimerBon voyage à toi!