A la découverte de Port-Aux-Français - Première partie











La fin approche lentement mais sûrement et je réalise peu à peu que les mois passés ici touchent à leur fin. 

Dans deux semaines le Marion sera au mouillage dans le golfe pour OP3. La base bruissera de nouveau d’une folle effervescence sous le regard narquois de l’hélicoptère qui nous bercera de son grondement lors de ses rondes incessantes entre le bord et l’héliport : nouveaux arrivants, matériel, vivres – la base s’éveillera à une nouvelle et extraordinaire période de l’année : la campagne d’été.
Pour l’heure je parcours les « rues » de PAF en me faisant petit à petit à l’idée que dans un mois et demi je quitterai à mon tour cet endroit , sans doute pour toujours – rares sont ceux qui reviennent ici, à un bout du monde si complexe à rejoindre. Et en contemplant ces bâtiments qui font partie de mon quotidien, de mon univers devenu familier au fil des mois, je réalise que jamais je n’ai pris le temps de vous en faire partager ni l’apparence, ni la composition. J’y avais bien pensé peu après mon arrivée, il y a dix mois, mais alors je ne connaissais encore ni les noms ni les fonctions de l’ensemble des bâtiments. Puis petit à petit le temps est passé, tout cela m’est devenu tellement évident et routinier que j’en ai oublié que pour d’autres mes évocations de Port-Aux-Français ne donnaient lieu à aucune image concrète – une simple évocation d’un endroit si lointain qu’il pourrait presque paraître imaginaire. Il est donc temps de rattraper mon retard et de jouer, le temps d’un instant, les guides touristiques interactifs.



Pour commencer notre petit voyage, deux options s’offrent à nous : partir de l’héliport par lequel nous arrivons tous sur base pour la première fois, ou bien partir de la flottille. C’est cette dernière option que je choisirai – Kerguelen reste un archipel, son seul moyen de ravitaillement et de relève est le bateau, et il me semble donc logique de rendre honneur à la nature maritime de ces lieux en débutant par le point d’entrée le plus logique : le port.



Située dans la baie de l’aurore australe, la flottille est constituée d’un quai en béton longé parallèlement par deux pontons de bois. Sur le quai se trouvent les bâtiments de l’équipage de la flotillle : local plongeurs, atelier du mécano, bureau et atelier du bosco. C’est ici qu’est entreposé le zodiac servant à rejoindre le chaland. Celui-ci est au mouillage à quelques dizaines de mètres du quai, en face du fond de la baie qui se finit en une plage de sable et galets où viennent paresser les éléphants de mer.  Le bâtiment de la flottille a été ironiquement appelé « L’abri côtier », venant faire fictivement grandir le nombre des arbres que l’on rencontrera à Kerguelen, mais aussi dans tout le territoire Antarctique et Sub-Antarctique.


 Lorsque l’on quitte la flottille, trois option s’offrent à nous : gravir la pente qui prolonge le quai, rejoignant le « centre-ville », tourner à droite afin de s’engager sur la fameuse "Road 66" qui, 4km plus loin nous amène jusqu’à la station du CNES, ou bien enfin je peux tourner à gauche. Je commencerai par là, car c’est un peu comme remonter le temps. En effet, les premières constructions de Port-Aux-Français datent de 1950, et les habitations des tout premiers habitants de la base étaient de longues fillods installées sur les hauteurs ouest de PAF. En remontant vers ce plateau, on passe devant le BioMar. Un grand bâtiment vert situé sur les hauteurs du rivage, et servant de laboratoire pour l’IPEV : c’est là que les VAT EcoBio, PopChat ou Ornithos traitent leurs prélèvements faits sur le terrain. Durant la campagne d’été, les paillasses débordent d’échantillons de toute sorte – mais son activité n’a malheureusement plus rien de comparable avec les premières années de recherche scientifique ici, où des dizaines de programmes scientifiques différents venaient étudier tout ce que la nature de Kerguelen, terrestre comme maritime, pouvait nous offrir comme sujet de recherches. 


 Le BioMar au premier plan, puis la fillod B1 
et enfin la chapelle, sous la lune et devant les monts du Château

Je laisse le bâtiment sur ma gauche et continue l’ascension vers les vieilles fillods. Devant moi se dresse la chapelle Notre Dame des Vents, construite bénévolement de 1957 à  1961. 


Elle est née d’une initiative du prêtre-ouvrier Pierre-André BEAUGE, aumônier-infirmier à Kerguelen en 1957. La première pierre de l’édifice a été posée par la première mariée des Kerguelen, Mme PECHENARD le 16 octobre 1957. Devant elle se dresse une statue de la vierge portant un enfant (confectionnée à Landerneau dans le Finistère) ; ils contemplent tous deux la passe royale, guettant et protégeant à la fois l’arrivée de tout bateau en provenance du reste du monde. La robe de la vierge est représentée dans un mouvement d’envol vers la baie, traduisant à merveille les vents qui balayent l’archipel quasi quotidiennement. 


A l’intérieur du bâtiment dont le toit est en cours de rénovation, lorsque l’on a la chance de s’y rendre un jour de soleil, les vitraux des hautes ouvertures inondent la petite chapelle d’un patchwork de violet, bleu et rouge, nous plongeant dans une ambiance irréelle. Comme un lien tendu vers les trop nombreux noms inscrits sur le mur, en mémoire de ceux qui sont décédés sur l’archipel. 



 En sortant de la chapelle je tourne mon regard vers l’ouest, et de l’autre côté d’une petite anse l’on peut apercevoir le port pétrolier. Autrefois situé dans PAF, à côté de la flottille, il est désormais à sa périphérie. C’est ici que le Marion vient nous ravitailler en carburant afin d’assurer notre production électrique et de chauffage, et c’est aussi ici que les opérations de ravitaillement en carburant des navires de pêche se font. 

Le port pétrolier avec son enrouleur, devant une mer de nuages d'où émerge le mont Roos

 
 Les réserves en carburant de PAF

 


Une cormorandière niche juste à côté, avec un magnifique point de vue sur l’ensemble des îles du golfe du Morbihan et au-delà, les jours de beau temps, le mont Ross (point culminant de l’archipel, à 1850m).

La vue depuis le port pétrolier
 
Laissant  dans mon dos la chapelle et le rivage, je remonte vers le haut de PAF en longeant parallèlement le plateau où ont été construites les premières fillods. Il y en a moins qu’à l’époque des premières années de la base, et si deux d’entre elles servent encore d’entrepôt et d’atelier pour l’IPEV (ainsi que de local vélo pour la base), les autres sont à l’abandon, servant de local pour les exercices  incendie pour la formation des GPS (Groupe Prévention et Sécurité, des groupes de 6 personnes se relayant toutes les semaines dans la permanence sécurité de la base) ou simplement de lieux utilisés pour les activités « salissantes » (par exemple, c’est ici que nous avons joué au Paint Sponge durant la MidWinter). Difficile de voir dans ce sol défoncé, ces vitres brisées et ces parois trouées par où s’engouffrent vent et pluie, un lieu de vie où cohabitaient les militaires de l’époque. On se sent soudain terriblement chanceux avec nos bâtiments en dur, avec chauffage, électricité et salle de bain dans chaque chambre – les fuites d’eau de mes fenêtres et les courants d’air de l’hôpital me semblent soudain bien dérisoires...

 Les anciennes fillods 
(du plus loin au plus près : B1 - B4  - B5 [la maison dont on voit dépasser le toit) - B7 et B8)

 

Une fois parvenue à l’autre extrémité du chemin de cailloux qui longe ces fillods, je jette un œil au loin, devinant à peine sous un monticule vert le shelter Sismo où Guillaume (VAT Magné-Sismo) effectue des relevés de sismologie. 




 
  Le shelter sismo et le chemin de câbles tel qu'il en court des kilomètres autour de la base



 
Puis  je suis le sentier qui redescend vers le « PAF Jeune », traversant ce que nous appelons affectueusement « Central Park ». En fait de parc, c’est une étendue d’herbe et d’acaena gorgée d’eau où le terrain hésite entre lacs  et souilles. En un regard on ne manque pas d’observer une dizaine de lapins qui ont creusé l’espace de toutes parts en centaines de terriers qui rendent la traversée de ce petit coin de verdure d’autant plus périlleuse. 

 Central Park et au-delà la partie "vivante" de PAF

Lorsque les BLO remarquent enfin ma présence, deux attitudes s’opposent : les premiers s’enfuient à toute pattes, en bonds impressionnants jusqu’à disparaître brusquement dans l’un de leurs terriers ; d’autres au contraire s’aplatissent sur le sol, plaquent leurs oreilles derrière le crâne et cachent leurs yeux derrière une touffe de verdure. « Si je ne le vois pas, c’est qu’il ne me voit pas » semblent-ils se dire… 














 La suite au prochain épisode...



1 commentaire:

  1. Adorei a postagem sobre Kerguelen, possuo um blog no Brasil e postei a alguns anos sobre Por-aux-Français!! adorei

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