Jours heureux à Kerguelen...



 Le piquet de bois blanchi par les années d’intempéries s’arrache au sol dans un désagréable bruit de suçion. Je balance le piquet aussi grand que moi un peu plus loin et m’étire le dos, endolori par l’heure que je viens de passer à répéter ce même geste. En me retournant, je peux voir que le travail avance bien. En contrebas, Alexis s’acharne avec son coupe-boulon à sectionner un par un les arceaux de fer rouillé qui maintiennent le grillage. Encore quelques dizaines de mètres et nous en aurons fini de cette clôture. L’une des innombrables clôtures qui partageaient l’immense et bien nommée île Longue. Tandis qu’une nouvelle averse de neige nous glace une fois de plus les extrémités, je jette un œil vers l’enclos près du rivage. Les trois derniers agneaux de Longue nous observent avec inquiétude. « Que font-ils donc, ces drôles d’animaux à deux pattes ? » semblent-ils se dire, « à déterrer ainsi tous ces piquets de bois, à couper ces dizaines de mètres de grillage qu’ils roulent ensuite en énormes rouleaux avant de porter tout ça jusqu’en bas ? ». Rien de moins que marquer un tournant dans l’histoire des TAAF, dans l’histoire de Ker, dans l’histoire de Port Bizet.



Lundi 12 novembre 2011

Debout à la poupe du chaland, le nez au-dessus du moteur babord dont les remous m’éclaboussent les chaussures, je savoure avec délectation le bonheur d’être enfin en dehors de la base. Le ciel est plombé de gris, la route est longue pour faire le tour des îles, mais peu importe ! 

 
 PMB (Pétrel à Menton Blanc) flirtant avec l'écume de notre sillage
 
  Le rivage de la Grande Terre au-delà de la pointe Molloy

La grande Terre me salue de ses rares sommets encore enneigés à ma gauche, pendant que Ronarc’h sort à peine de sous sa couverture nuageuse à droite, tandis qu’un superbe pétrel à menton blanc joue dans le sillage de l’Aventure II qui me conduit lentement vers un nouveau territoire : l’île Longue. 

 
Située à trois heures de navigation de PAF, l’île Longue barre le fond du golfe, isolant Port Jeanne d’Arc du reste des îles, sa pointe Est tendant vers le halage des Naufragés, fin isthme tendu entre la presqu’île Jeanne d’Arc et la presqu’île Ronarc’h, que les baleiniers d’autrefois traversaient en portant leurs doris à dos d’homme (d’après ce qu’on m’a raconté…). Longue de 17km pour seulement 2 de large, c’est la plus grande du golfe avec ses 35km carrés, qui dès 1955 ont accueillis une population importée d’ovins destinés à l’alimentation des habitants de PAF. Le mouton de race Bizet, originaire du Massif Central, s’est tout de suite très bien adapté à cette île riche en azorelle et choux de Kerguelen, végétation qui fut complétée par des plantes fourragères suite à l’intervention de l’homme. 

 Béliers de la race Bizet

Plusieurs autres îles du golfe ont également accueillis des moutons, telles que Moules, Blackeney ou Château. Mais le choix s’est finalement concentré sur cette grande île où l’espèce s’est rapidement épanouie, et où fut installé un campement permanent permettant au berger de vivre à proximité de son bétail, et aux habitants de PAF de venir procéder à la récupération des bêtes destinées à la consommation : Port Bizet.

  Port Bizet


C’est aujourd’hui une belle petite cabane au bord de l’eau, à laquelle on accède par un grand ponton de bois assez solide pour supporter le passage des centaines de moutons acheminés autrefois en chaland depuis Longue jusqu’à Port-Aux-Français où ils étaient destinés à l’abattoir. J’ai assisté à la dernière séance d’abattage, début 2012. En effet, en cohérence avec la création de la réserve naturelle en 2006, la politique de retrait des espèces introduites, végétales comme animales, du territoire des Kerguelen a précipité la décroissance de la population de moutons de Bizet, dont le cheptel s’élevait autrefois jusqu’à 3500 têtes. Celles-ci étaient réparties en différents parcs : le parc des béliers, à l’est, un parc tampon, normalement vierge de tout ovin, un parc d’estive, un parc de tri, un parc de rabattage, et un parc de reproduction, à l’ouest, où étaient les brebis et leurs agneaux. Certains de ces parcs étaient eux-mêmes découpés en parcelles, et chaque morceau de l’île Longue était ainsi séparé des autres par d’interminables clôtures faites de piquets de bois et de grillage. Des kilomètres et des kilomètres d’une frêle (d’apparence) barrière qu’il fallait sans cesse inspecter et réparer si besoin (il ne faudrait pas qu’un bélier se retrouve dans le parc tampon ou le parc de brebis). 


 C’était le travail du berger et de son acolyte : le chasseur. Aujourd’hui, Christian, le dernier berger des Kerguelen, est reparti. Ne reste plus qu’Alexis pour veiller sur les dernières bêtes de Longue, VAT de la ResNat chargé des espèces introduites sur l’archipel, et surtout, dernier chasseur des TAAF. 




La cabane de Longue porte le souvenir des bergers et chasseurs qui se sont succédés ici, de l’aménagement des lits, des décorations moutonnesques aux murs, et jusqu’à Kiki, le skua de Longue, seul skua connu qui réponde au sifflement d’un être humain. Kiki qui nous guette depuis l’autre côté de la fenêtre lorsque l’on est à la cuisine. Lorsqu’Alexis s’en ira, dans un mois, Kiki et sa compagne seront les derniers dépositaires du souvenir de ce qu’aura été Port Bizet. Un infime mais passionnant fragment l’histoire des Kerguelen, et des hommes et femmes qui en ont écrit une belle et étonnante page, en passe de se tourner.


 Kiki, le skua de Port Bizet

Mardi 13 novembre

Alexis est arrivé sur l’île Longue il y a 13 mois, en octobre 2011. Cette île, il la connaît comme sa poche. Il en a passé, des heures, des jours et des semaines à l’arpenter en long en large et en travers en compagnie de Christian. 
 
C’est son domaine, probablement son île préférée. On le sent à la façon dont il parle de cet endroit, de ces bêtes, de ces parcs. On le lit dans le regard qu’il pose sur ces pentes à l’herbe grasse, sur ces rochers surmontant d’immenses pâturages où de petites tâches beiges trahissent la présence des troupeaux de béliers éparpillés dans le parc Est. La carabine sur l’épaule, il nous guide, Denise et moi, à travers les hauteurs de Longue. De la cabane au bord de l’eau, nous montons droit dans la pente et dépassons le point de captage de la source qui alimente en permanence la cabane en une eau cristalline. 

Après avoir grimpé par-dessus deux grillages, nous voilà dans le parc tampon. 



 Ici, les espèces endémiques de Ker prolifèrent : acaena, azorelle et, la seule plante endémique exclusive de l’archipel, que je cherchais depuis des mois : le Lyallia. 


 Lyallia Kerguelensis, 
d'un vert plus pâle que sa cousine l'azorelle

Le terrain est détrempé par les semaines de pluie et de neige que nous venons d’essuyer. Au-dessus de nous, canards d’Eaton, albatros fuligineux et pétrels à menton blanc se succèdent dans un ciel – enfin ! –  exceptionnellement bleu azur, leurs ombres s’étirant indéfiniment sous nos pieds à mesure qu’ils planent sous le soleil de printemps. Au bout d’une demi-heure nous atteignons le pied d’une barre rocheuse où nous enjambons une dernière clôture : et nous voilà dans le parc béliers. 

D'un parc à l'autre

 Quelle étrange rupture, entre le parc tampon et celui-ci. La transition entre les deux est visible à des kilomètres, même si la fine clôture se change rapidement en un mince fil à peine distinct : d’un côté, de hauts graminés jaunis et des coussins vers d’azorelle et de Lyallia, de l’autre, le vert vif et réconfortant d’immenses pâturages entretenus par les moutons qui peuplent encore ces quelques kilomètres carrés. 



A peine glissés dans le parc bélier dont je savoure chaque foulée dans l’herbe haute et grasse, nous repérons deux groupes de moutons. Suivant Alexis en silence, quelques pas derrière lui, nous contournons un ruisseau puis un amas rocheux afin de nous placer sous le vent, à l’abri du regard des moutons. Bientôt, nous ne sommes plus qu’à quelques mètres d’eux. Encore inconscients de notre présence, certains sont allongés dans l’herbe tandis que d’autres béliers paissent à proximité. Chacun croule sous une épaisse quantité de belle laine blanche, de laquelle ressortent leurs pattes aussi noires que le profil de leur tête tandis qu’une grande bande blanche court depuis leur front jusqu’à la pointe de leur museau. Et au-dessus, deux énormes cornes joliment torsadées, marquant indubitablement leur statut de mâle. Armée de mon appareil photo, je m’avance courbée derrière Alexis qui, armé de sa carabine, se redresse lentement. La première détonation me fait sursauter tandis que le petit troupeau s’éparpille en courant. C’est, pour moi, la première chasse à laquelle j’assiste.







Mercredi 14 novembre



« Tu vois, on appelle ça un remembrement », me dit Alexis avec un sourire amusé. « De neuf parcelles, nous n’en avons fait plus qu’une ! ». Je ne me lasse pas d’écouter ce jeune homme de 22 ans (Note de l'auteur : et ce depuis précisément ce jour de publication du message, 16 novembre 2012) faisant preuve de bien plus de maturité que bon nombre d’entre nous, m’enseigner une infime partie de son immense savoir agricole et naturaliste. Originaire de la Vendée, il n’est pas né dans un chou de Kerguelen mais a pourtant bien grandi au milieu de la nature, que son enfance et sa famille lui ont appris à aimer. De passe-temps, c’est devenu une passion. Et voilà comment, après un bac professionnel en lycée agricole puis un BTS et une licence il s’est retrouvé employé de la Réserve Naturelle des Kerguelen, alliant sa passion de la nature à celle de la chasse, de l’ornithologie et de la botanique. Un naturaliste complet, et réfléchi. 


 Mais pour l’heure, c’est surtout un ouvrier agricole, puisque nous achevons de retirer les derniers piquets d’une ancienne clôture. Tandis qu’il roule en bas de la pente le dernier rouleau de grillage que nous venons d’arracher au sol, je m’arqueboute sur un piquet récalcitrant qui ne veut décidément pas abandonner son poste. 


 


 Avant...
 Après... 


Voilà donc à quoi ça ressemble, un remembrement. Sur les hauteurs au-delà de la cabane de Port Bizet, des dizaines de clôtures couraient en tout sens, suivant une géométrie que j’ai aujourd’hui du mal à saisir, bon nombre d’entre elles ayant déjà été retirées. Avec cette dernière, nous achevons de ne faire plus qu’une seule grande parcelle de l’ancien parc de tri, où Christian et Alexis venaient autrefois rassemblés les agneaux destinés à l’abattoir, après d’immenses battues rassemblant le plus grand nombre de volontaires de la base, qui s’étalaients sur des heures et se concluaient systématiquement par un grand barbecue convivial. Le même rituel depuis 1955, une tradition bien ancrée qui a réjoui et épuisé des générations successives d’apprentis bergers d’un jour. En arrachant ce dernier piquet, j’ai le sentiment de mettre un point final à un beau roman. Les pages sont faites pour êtres tournées, comme à PJDA, comme à Port Couvreux, et comme à ArMor. Je suis fière d’en être le témoin, aux côtés d’Alexis.


 De gauche à droite : le souffre douleur, le bagarreur, le magnifique

En rentrant à la cabane, nous sommes accueillis par le cliquetis du couple du chionis qui court sur le toit – probablement alléché par l’odeur du repas que nous a préparé Denise, toujours aussi intarissable aux fourneaux. Les chionis sont d’adorables petits oiseaux aussi maladroits en l’air que sur terre, capables de s’extasier pendant des heures devant une moule fermée ou de courir après les cormorans pour profiter des qualités nutritives plus que douteuses de leurs déjections. Mais avec leur plumage immaculé, leur petite tête surmontée d’un front proéminent au-dessus de deux yeux noirs cernés de rose, je ne me lasse pas de les observer se chamailler au-milieu des brins d’herbe aussi hauts qu’eux.   




 Le chionis dans tous ses états

 Tandis que nous savourons le festin que nous a préparé Denise, la neige se remet à tomber de l’autre côté de la large vitre qui offre à notre petite tablée un spectacle permanent, presque aussi captivant que « l’écran plat » de la cabane du Guetteur à Ratmanoff – sauf qu’ici à défaut de centaines de milliers de manchots royaux, ce sont cracous, chionis et skuas qui jouent les acteurs du quotidien d’un nouveau printemps sub-antarctique. 

  Pauses longues au crépuscule

En fin de journée, le soleil fait une timide apparition et Alexis et moi décidons de nous échapper une dernière fois. Ça n’est pas peu dire : c’est la dernière manip’ d’Alexis à Longue, et peut-être ma dernière manip’ tout court : lui comme moi repartons avec le Marion Dufresne à OP4, fin décembre. Un autre avenir, auquel nous pensons de plus en plus, se profile à l’horizon ; mais nous ne pouvons pas quitter Longue demain sans profiter une dernière fois de ses pentes qui rappellent tellement les étendues montagneuses du Massif Central. 


 Nous filons droit vers le soleil couchant, à l’ouest. Après avoir traversé le parc de tri, nous pénétrons dans le parc de rabattage où Alexis m’explique la technique qu’ils utilisaient pour rassembler le troupeau et orienter brebis et agneaux en direction de l’entonnoir dans lequel les bêtes devaient entrer afin de passer dans le parc suivant. Cette tâche pouvait prendre des heures, jusqu’à ce que finalement les animaux se retrouvent acculés devant la barrière ouverte. Mais malheur si l’une des bêtes de tête décidait d’en faire autrement, le troupeau s’éparpillait et il fallait tout recommencer, dans un terrain pentu, glissant, semé de terriers où il ne fallait ni se coincer la cheville, ni endommager l’oiseau qui y nichait. Tout en l’écoutant, mon regard parcourt l’île avec la nostalgie d’une époque que je n’ai pas connu, et qui n’est pourtant pas si lointaine. En tendant bien l'oreille, on pourrait presque entendre encore l’écho du rire de Christian, des cris de Gégé guidant les rabatteurs depuis une barre rocheuse, et les soupirs essoufflés des hivernants qui galopent derrière les brebis tout en portant leurs agneaux à la traîne. 

 Gorfou sauteur sur son nid
(et oui, ils nichent au milieu des rochers)

Laissant le parc de rabattage et sa colonie de gorfous sauteurs qui sont enfin revenus après six mois passés en mer, nous remontons vers les hauteurs et pénétrons dans le parc d’estive. De là on bénéficie d’un joli point de vue sur la presqu’île Jeanne d’Arc, et l’on reconnaît sans mal le dôme Rouge, au pied duquel je devine la présence cachée de l’ancienne station baleinière où se trouve actuellement Nath PopChat et ses manipeurs. 

Port Jeanne d'Arc depuis le chaland quelques jours plus tôt 
(le sommet au loin est la pyramide Branca, se dressant devant le mont Ross 
aujourd'hui caché dans son manteau de nuages)

Nous remontons le parc d’estive en direction de l’est, et après avoir longé quelques lacs où vient se noyer la clôture du parc de reproduction, nous nous asseyons au bord d’une pente creusée par l’érosion. 

La clôture séparant parc de reproduction et parc d'estive, sous l'oeil du dôme rouge à gauche

 17h30, c’est l’heure de la VAC traditionnelle entre les cabanes et la base. Alexis allume sa radio tandis que j’actionne le mode vidéo de mon appareil photo : c’est peut-être ma dernière, alors c’est le moment ou jamais d’immortaliser cette tradition qui aura rythmé nos journées tout au long de l’année. Après un contact radio avec les quatre sites différents où ont actuellement lieu des manips, Stéphane du BCR nous annonce la météo des trois prochains jours. Puis, un message inhabituel nous parvient depuis la base : le DisKer doit nous communiquer une information. Ce qui n’arrive pour ainsi dire jamais. 

La vue sur le golfe et la Grande Terre pendant la VAC

 Je regarde Alexis en m’interrogeant intérieurement : cela doit sans doute avoir un lien avec l’OP3, qui doit débuter le lundi prochain, sans doute est-elle retardée d’une journée en raison d’une mauvaise météo (ce qui est loin d’être inhabituelle à Crozet où le Marion doit être en ce moment). Pendant que Stéphane nous demande d’attendre afin de chercher les horaires du chaland, la voix du chef de district prend le relais. Autant le transmettre tel que nous l’avons reçu :


« Dernières nouvelles du Marion : il a éventré sa coque, il a des voies d’eau et beaucoup de compartiments inondés. OP3, voire OP4, sont compromis. »

Alexis et moi restons à nous regarder sans comprendre. Ou plutôt, nous ne comprenons que trop bien. Et je peine à croire ce que vous venons d’entendre…
Je n’ai presque aucun souvenir du chemin de retour qui nous ramène à la cabane près de trente minutes plus tard. Nous parvenons à Port Bizet dans un état d’excitation mêlée de stupeur qu’il est difficile de décrire, et nous nous félicitons d’avoir la vidéo comme preuve pour apprendre à Denise la nouvelle, car je doute qu’elle l’aurait cru sans cela. Et comment le croire ? Le Marion Dufresne, ce géant de métal, à la fois porte container, pétrolier, porte hélicoptère, navire océanographique, mais surtout, notre fil d’Ariane, pire, notre cordon ombilical !, tendu entre la Réunion et nous, notre ravitailleur en nourriture, fuel et personnel – pour nous, il est inébranlable, et la sécurité qu’il représente pour les îles sub-antarctiques ne nous avait jamais semblé contestable. Et pourtant… Dans la cabane, comme dans toutes les autres j’imagine, les conversations vont bon train. Que va-t-il advenir de la campagne d’été qui devait débuter le lundi suivant avec l’arrivée d’OP3, que va-t-il advenir de ceux qui devaient partir à OP3, puis nous-même à OP4 ? Mais surtout, que s’est-il passé à Crozet ? Y a-t-il des blessés ? Dans quel état est le Marion ?

Toutes ces interrogations se prolongent encore tard dans la nuit, repoussant sans cesse un sommeil qui peine à prendre le dessus sur l’incertitude dans laquelle cette nouvelle vient de nous plonger.



Jeudi 15 novembre

Me voilà de nouveau sur base, après un retour chaland calme sur l’eau mais agité en cabine. Dès qu’ils nous ont récupérés sur le ponton de Port Bizet, et après un dernier regard sur cette belle île Longue que nous ne reverrons peut-être plus jamais, nous harcelons Brice et Gwenn de questions sur ce qui s’est passé, sur ce qui va se passer. Mais les pauvres n’en savent pas beaucoup plus. Il me faudra donc attendre le retour à SAMUKER et une après-midi de spéculations puis de sources d’informations plus fiables pour enfin vous transmettre ce soir un tableau plus précis de la situation.


 Dans la matinée du mercredi 14 novembre, le Marion Dufresne qui faisait route vers Pointe Basse pour un ravitaillement de cabanes a percuté un haut-fond non répertorié, dans cette zone mal cartographiée puisque seulement naviguée par le Marion. La coque avant bâbord serait éventrée sur trente mètres, ouvrant une brèche qui aurait rempli deux compartiments et cinq ballasts. La structure aurait "travaillé" jusqu’à la passerelle, soit sur 70m ! Fort heureusement, aucun blessé n’est à déplorer. 

 La Roche Percée à Crozet, sur le chemin de Pointe Basse

Le Marion est aussitôt retourné sur la baie du Marin, au pied de la base Alfred Faure. A l’heure qu’il est, les derniers des 130 passagers et membres d’équipage sont en voie d’être débarqués sur l’île de la Possession qui prend soudain des allures de radeau de sauvetage. L’administration des TAAF cherche depuis lors une solution afin de rapatrier au plus vite les scientifiques de la campagne d’été (qui est malheureusement et inévitablement annulée pour l’année 2013), les touristes et les hivernants quittant Crozet, mais aussi un moyen de ramener le Marion Dufresne sur une côte où il pourra être examiné et réparé (Durban probablement, puis Singapour), et enfin une solution pour ravitailler les deux autres districts, Kerguelen et Amsterdam, ainsi qu’assurer la relève des personnels prévue initialement pour OP3 et OP4. 

 Le Marion au mouillage à la Baie du Marin en décembre 2011 (OP3 2011)

En d’autres termes, j’ignore encore quand nous quitterons Kerguelen, ni par quel moyen, ni quand nous pourrons être de retour en métropole. Aucun danger ne nous menace, et la seule inquiétude sur base en ce moment est de savoir à quel moment nous aurons plus de détails sur l’organisation des prochaines semaines, ou des prochains mois. En attendant, nous ne manquons de rien et je ne tarderai pas de vous informer de la suite, et fin, de cette décidément étonnante aventure dans ces terres qui sont – et elles se chargent de nous le rappeler de la plus violente des façons – définitivement « extrêmes ».


1 commentaire:

  1. Bonjour, je me permets de vous écrire suite à la lecture de cet article (et de quelques autres sur votre blog). Je travaille pour la structure qui gère la race Bizet et je m'intéresse depuis longtemps au troupeau de l'île Longue, dont vous avez apparemment croisé les derniers survivants. Je suis notamment à la recherche de matériel biologique pour extraire de l'ADN et caractériser l'adaptation du génome de ces individus par rapport aux conditions de Kerguelen. Au delà, tous les témoignages ayant trait à cette page de l'Histoire m'intéressent.
    Aussi, si vous aviez des éléments à me communiquer qui puissent m'aider dans mes recherches, je vous en serai très reconnaissant. Des photos m'intéressent également si toutefois vous en disposez.
    Cordialement,
    Kévin CHILE

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