J'ai encore du mal à me remettre de l'incroyable journée
d'hier - cette nuit a été hantée de manchots royaux,
d'albatros, de pétrels et de skuas. Une ou deux baleines sont même venus se
glisser entre les mailles de mon sommeil, puisque nous avons eu la chance d'en
croiser avant-hier soir au moment du dîner. Sitôt l'annonce faite au micro du
bord, nous avons tous abandonnés nos assiettes pour se précipiter sur la coupée
tribord. D'abord le regard fébrile scrute en vain les vagues assombries par le
crépuscule. Puis soudain, quelqu'un pousse un grand cri en tendant le doigt
vers la poupe, et l'on devine enfin le panache d'eau expulsé par cet animal
mythique. Nous n'avons pu qu'entrapercevoir son dos noir lorsqu'elle se
glissait vers la surface pour respirer, et les ornithos - avec leur appareil
photo dont l'objectif nous fait pâlir d'envie - ont pu capturer quelques images
furtives de leurs nageoires caudales, tendues vers le ciel avant de replonger
vers ces abysses sans fond.
Imaginez donc quelle est la probabilité de tomber sur un
tel animal, au milieu d'un océan si vaste ? Quelle chance de croiser un tel
mammifère marin qui parcourt inlassablement des milliers de kilomètres !
Quelle chance d'être ici.
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